Les départements pourraient saisir le Conseil constitutionnel à propos des transferts non compensés par l’Etat

Réunis à l’initiative de Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), le 6 avril, plusieurs élus ont tiré la sonnette d’alarme sur le surcoût croissant pour leur collectivité du versement des prestations sociales universelles.

Ils ont fait référence à Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis, qui estime la dette de l’Etat vis-à-vis du département à 640 millions d’euros, au titre des transferts de charges non compensés depuis 2004, comme le RMI-RSA. L’élu présentera le 8 avril un budget en déséquilibre, qualifié de « budget de révolte » contre l’Etat.

Les départements sont devenus le quai de déchargement des politiques nationales que l’Etat ne veut plus assumer. Nous refusons cependant de faire financer la solidarité nationale par l’impôt local, a souligné avec force Arnaud de Montebourg, président du conseil général de Saône-et-Loire, le 6 avril.

3,8 milliards d’euros : le déficit de compensation en 2008
Selon les données fournies par l’ADF, en 2008, le montant des trois prestations nationales versées par les départements (allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap et RMI) s’élevait à 11,5 milliards d’euros.

Même en prenant en compte les compensations versées au-delà des obligations constitutionnelle (avec le fonds de mobilisation départemental pour l’insertion, FMDI), soit 500 millions d’euros, le déficit annuel de compensation pour ces trois prestations s’établit, au seul titre de 2008, à plus de 3,8 milliards d’euros financés par la fiscalité départementale et par des redéploiements de dépenses, a précisé Michel Dinet, premier vice-président de l’ADF et auteur d’un rapport sur les allocations individuelles de solidarité.
Si la PCH est à peu près compensée par la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le déficit de compensation de la part de l’Etat est particulièrement marqué pour l’APA et le RMI (aujourd’hui RSA).

Trois pistes d’action
Les départements refusent d’assumer l’impopularité du désengagement financier de l’Etat en augmentant les impôts locaux et en amputant leurs budgets d’investissement pour financer ces allocations universelles, a martelé Claudy Lebreton.
Les élus envisagent trois pistes d’actions. La première est législative et consistera à déposer des propositions de loi au Sénat et à l’Assemblée nationale pour contraindre l’Etat à rembourser l’argent qu’il doit aux départements, d’une part, et, de l’autre, à actualiser les mécanismes de compensation, a indiqué Arnaud de Montebourg en évoquant l’inclusion de cette disposition dans un collectif budgétaire pour 2010.

La deuxième piste consisterait à multiplier les actions au contentieux contre l’Etat, qui ont permis notamment à la Saône-et-Loire et à la Seine-Saint-Denis d’obtenir une compensation de l’Etat pour le financement de la protection de l’enfance. Mais cette piste se limiterait aux seules compétences n’ayant fait l’objet d’aucune compensation effective.

Question prioritaire de constitutionnalité
La troisième piste serait la voie constitutionnelle. Considérant que le principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités posé par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (art. 72-2) n’est pas respecté, de même que le principe de compensation précisé par la loi du 13 août 2004, les conseils généraux feraient constater cette atteinte manifeste au principe de libre administration des collectivités en posant la question prioritaire de constitutionnalité, comme les y autorise la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Une étude commandée par sept départements à un constitutionnaliste (Dominique Rousseau) sur l’application du principe constitutionnel d’autonomie financière locale à l’épreuve de la compensation financière des charges transférées par l’Etat aux départements entre 2002 et 2009 conforte les élus dans cette démarche. Elle conclut à l’insuffisance des compensations versées par l’Etat et à une atteinte au principe d’autonomie.

La question prioritaire de constitutionnalité serait en premier lieu examinée par le juge ordinaire, devant lequel se déroule l’instance. Si ce dernier estime que la question répond aux conditions de recevabilité, la question serait transmise au Conseil d’Etat, ou à la Cour de cassation.
Les hautes juridictions opèreraient alors un dernier filtrage en jugeant, dans un délai de trois mois, si la question doit, ou non, être transmise au Conseil Constitutionnel. Le Conseil constitutionnel saisi se prononce dans un délai de trois mois. Il peut déclarer la disposition législative contestée conforme à la Constitution ou, dans le cas contraire, l’abroger, éventuellement en modulant les effets de sa décision dans le temps, explique Me Didier Seban